Pourquoi je n’inviterai pas de “Mbenguiste” à mon mariage

Le mois de décembre est un mois riche en évènements heureux (je n’ai pas dit heureux événements, quoi que…). On le sait, en attendant la venue de l’enfant Jésus, les adultes profitent pour organiser chaque weekend des fêtes qu’ils n’ont pas pu/voulu organiser pendant les 330 jours précédents dans l’année… Alors tout le monde se focalise sur décembre ( prononcez daixambre svp, selon les usages en vigueur dans mon quartier “Camaroes”… ou Crevettes ), on organise son spectacle qui ne sera pas spectaculaire, sa foire qui sera foireuse, ou alors, à titre individuel, on organise son mariage avec des invités venant de loiiiiiin. Ces invités dont l’importance est proportionnelle à la distance qu’ils ont parcouru se font appeler “mbenguistes”, et leur présence relève souvent “le niveau” de nos mariages au pays. Il me semble que j’ai assisté à l’un d’eux. Voici l’histoire.

Par une douce journée marquée par un “Soleil de Décembre” cher à la soeur chanteuse d’un chanteur local appelé Papillon , je me suis rendu à ce mariage, celui d’une très jolie jeune femme avec mon cousin que je n’ai pas vu plus de trois fois dans ma vie, si ce n’est à des mariages et aux enterrements dans notre famille … J’ai donc mis mon seul et unique costume, celui-là, vous le connaissez, que je mets aux mariages, ou aux enterrements, et je suis arrivé à la salle de célébration du mariage à la mairie. Engoncé dans mon costume dont les epaules étaient colorées des pellicules envolées de mon cuir chevelu, je transpirais à grosses gouttes. Quelqu’un avait dû oublier de réparer la climatisation qui, à bien y regarder de près, n’avait jamais été installée dans cette salle. Le mariage rend philosophe, dit-on souvent. J’ai décidé de philosopher sur l’invention d’un costume autorefrigerant qui serait adapté à nos températures tropicales. En même temps, cela devrait coûter très cher. Et vu que javais déjà eu du mal à payer celui ci d’occasion* (*en langue crevettiere du camaroes, on dit …d’Akrika) à 10 000 Fcfa (15€). Pas grave. On allait supporter.

Prenant la parole, le maire, après avoir donné injonction à mon cousin de ne jamais oublier de bien faire l’amour à sa future femme, et à elle de ne jamais lui manquer de respect en public ( ce qui supposait qu’elle pouvait s’en donner à cœur joie en privé ) se lança dans une série de questions du genre « Questions Pour Un Champion » auxquelles les époux devaient répondre par un « wouihh » rauque pour mon cousin, ou alors par un « ouiiiiii » miaulant pour sa femme…avec à chaque réponse, des applaudissements et des youyous victorieux à vous en crever les tympans. Sous des vivas de la population en liesse, et des “pipiipiiip… parlez encore!” ( sensés faire un pied de nez à tous les jaloux qui avait prophétisé que ce mariage n’aurait jamais lieu ) nous sommes donc sortis de la salle, et des gens ont gaspillé des kilos de riz parfumé en le balançant sur le couple heureux qui prenait la direction d’un parc tout près pour des photos souvenir. Ma tête a pensé : “On pensera à la faim dans le monde avec la fin du riz parfumé sur les tables lors de la fin du monde.”

Après les photos et comme de coutume à Crevettes City, à l’aveugle, la mariée a balancé son bouquet de fleurs vers les demoiselles d’honneur, et l’une d’elles l’ayant victorieusement attrapé m’a regardé. Moi aussi je l’ai regardé. Elle était top et belle. Elle m’a souri. J’ai vu qu’elle était pas top et pas belle. Deux incisives manquaient à l’appel de ses mâchoires. Bon passons…

Après cette séquence, nous nous déportons vers la salle des fêtes… Un peu spéciale, vu qu’elle était dotée d’une acoustique assez.. difficile…cile…cile…cile pour la sono…sono…sono, et le disk jockey DJ était en panique…nique..nique. Heureusement que ce problème d’écho s’est arrangé par la suite. Sinon on aurait été vaincu…cu…cu… , un peu comme à propos de l’ éclairage, où javais constaté que de façon intempestive, quelqu’un rallumait toutes les ampoules blanches et les 12 néons de la salle pendant que vous dansiez un slow collé-collé sous lumière tamisée avec un voisine.

En réalité, le “pollueur” lumineux était un « gars de la diaspora », plutôt haut en couleur, avec un costume bleu électrique, un noeud papillon (encore ce chanteur pfff) sur une chemise blanche et un pantalon vert citron . Tellement il roulait des mécaniques qu’on ne pouvait que le remarquer … Et j’ai remarqué qu’il était déjà un peu saoul et que c’est lui qui s’appuyait sur le mur à un endroit où il n’aurait jamais dû, sur les interrupteurs. Au fait, j’ai failli oublier. Quand je dis que vous “dansiez un slow”, c’est en fait un euphémisme. J’aurais dû dire que « Vous vous heurtiez/frottiez/appuyiez avec vigueur votre bassin sur celui de la voisine » ( tellement certains danseurs sont… violents. J’ai eu peur d’écrire violeurs ). On s’égare…

Nous étions donc dans cette salle avec des tables sur lesquelles les mariés avaient pris la délicate attention de faire figurer les prénoms des invités, chacun étant finalement assis devant son nom comme dans les séminaires/colloques/ateliers de renforcement_de_capacité_manageriale_en_vue_de_la_promotion_de_l’approche_participative_pour_une_emergence_reussie_2035… que nous connaissons très bien dans notre république des crevettes, celle des camaroes. On est donc passé à table et j’ai remarqué … qu’il y’avait un S qui manquait au prénom devant ma place. Ils avaient écrit Jesica. Pas grave. En même temps, c’était pas mon prénom.

A un moment, on a arrêté la musique pour regarder une gentille vidéo que les mariés avaient préparé pour leurs invités. On a attendu 10 min, en silence, concentrés sur un morceau de tissus blanc de 4m carrés, mais… la vidéo ne s’est pas laissé regarder. On a remis la musique. Où ce qui en tenait lieu parce que c’était du DJ Arafat. Wracatouhlougmangoukpakpaktoutpkastouptoups !!!! Et que ça saute.

Bref, tout ce qu’il y avait de bon à ce mariage c’était la bouffe et le vin… J’ai fait du tourisme gastronomique. J’ai mangé du ndolè aux crevettes, les camaroes, j’ai pris des côtelettes de porc, j’ai enchaîné avec du riz cantonais, et je ne me suis pas cantonné à cela. Et comme on m’avait dit qu’« il y a à boire à volonté », et que je ne manquais pas de volonté, j’ai aussi pris du champagne, beaucoup de champagne, mais aussi du vin, beaucoup de vin, de toutes les couleurs, du blanc au rosé en passant par le rouge. Et mon estomac a vu rouge et j’ai ressenti une envie pressante… Je me suis levé pour aller… et je n’en ai pas eu le temps, la jolie fille pas top avec le bouquet de fleurs mais sans ses dents s’est dressée devant moi.

Elle a dit : « Bonfoir ! Tu viens danfer ? »
Ma tête a pensé : « NON ! Ve ne danfe pas avec une fille qui fait rire quand elle rit ».
Moi j’ai dit : « euhhh… je…»…
Elle a dit : « Moi f’est Djeffika »…
J’ai dit : « euh, non. C’est moi Jessica. » Je m’étais souvenu de ma place… Et de mon nom du soir.
Ella dit : « …Quoi ? »
… Pas le temps de lui répondre. Le ndolè aux camaroes avariées s’est invité dans notre converfafion et m’a dit « Cours ! Cours ! »
Je suis donc allé aux toilettes.

Rectifions…

Je me suis donc enfui vers les toilettes, une salle faite de box ouverts en bas et ne cachant que l’essentiel quand vous y êtes, à savoir de vos genoux vers le haut. Pendant que vous vous mettez à l’aise, l’observateur averti apercevra donc vos pieds en passant dans le couloir….. Et Pendant que je me soulageais, j’ai entendu des « ouiii ! ouiii ! ouiiiiii ! » miaulant et familiers, provenant d’un box tout à côté, toujours dans les toilettes des hommes… Donc, avec le sourire, l’air guilleret (mon estomac auparavant irrité par un mélange inopportun étant désormais revenu à une activité normale), et après avoir suivi les variantes les plus improbables des gémissements féminins traduisant un plaisir longtemps contenu … je sors des toilettes. Dans ma tête, je me suis dit : « ahhh ! les mariés, ces cochons ! Ils n’ont pas perdu de temps… »

Et là, patatras, je tombe sur le marié, mon cousin. Tout sourire, il veut lui aussi aller aux toilettes. Donc ce n’est pas lui qui est…. Euh…
Dans ma tête, j’ai pensé : « ahhh ! la mariée, cette cochonne … Elle n’a pas perdu de temps ».

Tandaaaang ! Pause. A bien y réfléchir, lors de mon passage devant le box occupé par nos deux tourtereaux roucoulants et gémissants, je me souviens avoir vu un bout de pantalon parisien vert citron qui dépassait d’en dessous de la robe de mariée blanche de laquelle s’échappaient les « ouiii ! ouiii ! ouiiiiii ! » miaulants et familiers qui répondaient pourtant à Questions Pour un Champion cet après-midi même à la mairie. J’ai compris pourquoi depuis 15 minutes, personne n’allumait plus les lumières blanches dans la salle. Même quand je le souhaitais de tout mon coeur alors que se déroulait le spectacle de la chanteuse soeur du chanteur Papillon qui s’était déguisée en fantôme d’Haloween, l’allumeur de lumières blanches n’avait pas agi. Il aurait pourtant aidé.

Donc… Mon cousin s’est planté devant moi, et moi, d’une main dans mon dos, tenant fermement la poignée de la porte des toilettes pour les maintenir closes … au cas où…

Il m’a dit : « ça va ? »
Ma tête a pensé : « Pour moi oui, mais pour toi non ! »
J’ai dit : « Non. »
Il me dit : « Pourquoi ? »
Ma tête a pensé « Désolé, ta femme est une trainée. Ton mariage est HS. »
Ma bouche dit « Désolé, les toilettes sont HS. Il ne faut pas aller y trainer »
Il dit « ah bon ? Mais allons voir si… »

…Et c’est là que… je me suis réveillé.

Ouf ! Au moins Jessica n’existait pas. Parce qu’en vérité, je ne sais même pas danser. Elle aurait ri en me voyant sur la piste de danse. Moi, j’ai tiré une leçon et pris une décision : Je n’inviterai aucun mbenguiste homme à mon mariage. Ils sentent plus bon avec pourtant les mêmes parfums que nous et osent des couleurs de vêtements qui nous… stressent, mais les femmes (les) adorent.

Mais au fait, vous à ma place, vous auriez laissé entrer le marié dans ces toilettes ou pas ?

En mémoire de CRS. Friendship never dies.

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